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vendredi 4 février 2011

POTIOR

Il se sentait agacé. Il ne pensait d’ailleurs qu’à une chose. Se sauver dans sa chambre, prendre un livre qu’il n’allait pas lire, s’installer près de la fenêtre, et rêver. Au-delà de la fenêtre, au-delà de la grille, au-delà de la lande.
Tout le monde l’agaçait. Il avait honte cependant du sentiment qui l’assaillait. D’autant plus qu’il avait du mal à comprendre pourquoi il refusait d’être aimé en retour .Il avait perdu toute confiance en lui. Le seul reflet de son visage dans la glace lui donnait envie de vomir.
Il avait cessé d’écrire, cessé de peindre. Il vomissait sa vie, il détestait son corps et son esprit et donc, ne s’aimant pas, ne pouvait supporter aucune présence.
Ce qu’il pensait de la vie, de la mort, du suicide, et de l’au de-là lui interdisait de se supprimer, car il croyait en la réincarnation de l’âme. Toute atteinte à la vie qui bondissait en lui était donc inutile et risible.
Il se traînait comme une larve dans les couloirs. Sa présence devint rapidement un fléau. Il était de plus en plus pénible. C’est pourquoi les gens de sa famille s’armèrent de longs crochets effilés pour lui arracher la tête et tout ce qu’il y avait dedans. Ils l’attrapèrent par surprise, un soir, dans un large filet de cordes minces très serrées. Ils le pendirent ensuite au plafond par les pieds pour mieux y voir et pour mieux travailler. Lui ne se débattait pas du tout. Il continuait à penser, bien au dessus d’eux et de leurs folles idées. Ils n’avaient pas l’air de comprendre le cycle de la vie. Tout cela le rendait très gai.
On l’enterra au bout du jardin, à côté de la tombe du chien, près d’un cerisier foudroyé.
Quant à sa tête, elle fut enfouie sous le grand hortensia rose, devant la maison.

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