Courte et trapue, ramassée sous un tas de chiffons gris et sales, la petite vieille aux cheveux jaunes, en savates et aux bas troués passe dans la rue envahie de flocons de neige, que la faible lumière des vieux réverbères d’acier noir éclaire encore malgré cette heure tardive. Elle court presque, autant qu’elle le peut, menaçant de perdre ses vieilles chaussures éculées et trouées au bout. Elle se dépêche, la vieille du coin du bois. Il fait si froid aujourd’hui !
Elle atteint maintenant sa vieille petite maison aux fenêtres argentées de beaux dessins de givre. Puis elle entre dans la petite pièce glacée, allume un feu et se colle à côté. Le fauteuil sent mauvais. C’est le chien qui est mort il y a quelques semaines : son seul ami, son seul réconfort. Elle ne peut se résoudre à s’en séparer. Il restera là, il dort. Elle pense : c’est le soir de Noël !
Comme il fait froid…Elle en a vu des gens, aujourd’hui, dans la rue, en quête d’une foule de choses belles et brillantes dans des paquets enrubannés. Elle est bien trop pauvre, elle. Elle ne peut que rêver. Elle a passé presque toute la journée à moitié cachée (Elle n’aurait pas voulu qu’on croie qu’elle était en train de mendier !) Alors elle s’amusait à regarder les gens passer : Qu’ils étaient beaux, les gens, qu’ils étaient gais! Avec leurs yeux brillants au-dessus des paquets ! Et elle, la vieille, cachée dans son coin, riait tout doucement en hochant sa grosse tête, les yeux gourmands de voir toutes ces têtes aux nez rouges.
Assise dans son fauteuil, la vieille rit encore avant de s’endormir, pour rêver qu’on lui offre un cadeau.
Mais voilà qu’on frappe à la porte, doucement, doucement. C’est une petite fille, qui entre en souriant. Elle a les yeux noirs. Elle regarde sans rien dire les yeux délavés de la vieille qui se lève, et la prend par la main. La douce petite fille aux cheveux gris l’emmène avec elle.
Et le lendemain soir, tassée et froide dans son vieux fauteuil, blottie contre un chien mort, on retrouve la petite fille aux yeux pâles, morte de froid ou de vieillesse…Par le carreau on voit nettement les deux yeux noirs d’une vieille femme qui rient, et qui se sauvent dans la nuit…
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