Les grandes pantoufles à carreaux sales devant la cheminée, posées là par ennui, aiguisent maintenant leurs dards empoisonnés.
Leur propriétaire, homme de cinquante trois ans, les a laissées pour quinze jours, pour suivre un crabe qui passait hypocritement par-là.
C’est maintenant qu’il va revenir. Alors, les grandes pantoufles à carreaux sales devant la cheminée ont décidé de se faire justice elles-mêmes. Sans doute n’osera-t-on pas les accuser. Le vieux crabe, que tout le monde suit mais qu’on n’a pas encore réussi à attraper et à anéantir sera sûrement accusé à leur place : c’est pourquoi maintenant, elles aiguisent leurs dards empoisonnés. L’alibi est parfait.
Soudain, on entend dans le couloir encombré des pas traînants se rapprocher. Les pantoufles sont sur le qui-vive. Aiguisant, aiguisant toujours, de plus en plus vite et de plus en plus fort., elles s’agitent et sautent de plaisir sur le carrelage, menaçant à deux ou trois reprises de ne pas atterrir à la bonne place. Toujours, les pas se rapprochent. On les entend très nettement maintenant. Dans un dernier soubresaut, atteintes par la frénésie et l'impatience, comme en transes, les pantoufles s'élancent en l'air, et, dans un grand cri, retombent en plein dans l'âtre, au milieu des flammes. L’embrasement les dévore gloutonnement, se léchant et se pourléchant.
Leur propriétaire s’approche alors résolument de l’âtre, jette un regard méprisant aux dards maintenant visibles, brillants de vérité entre les flammes. Calmement, il allume une cigarette et regarde les derniers morceaux de pantoufles disparaître. Curieusement, il se sent fort, invincible et puissant.
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