La désagréable atmosphère qui régnait partout dans la maison commençait à l’impatienter.
Depuis qu’il vivait là, à cent mètres des marais aux eaux stagnantes, il n’avait jamais remarqué cela. En fait, ça venait juste de surgir, .C’était une horrible odeur âpre, lourde et sucrée, qui s’imposait et vous enveloppait solidement. Cette ambiance malsaine ne pouvait durer davantage et c’est à bout de nerf que PLEEN se décida à partir de chez lui. Partir sans vrai but, le principal étant de fuir cette pestilence. Partir à la recherche d’autre chose, chassé par une volonté sourde. PLEEN prépara ses bagages, rangea un peu la pièce qui était en désordre puis ferma la porte à clé. Une fois dans la rue, il respira profondément. Le ciel était bas et gris. Au loin on entendait un vague bruit de pneus crissants et de klaxons qui venait de la ville. PLEEN se baissa, ramassa ses valises et se mit en route pour la gare. En chemin, il fut frappé par la couleur du ridicule chapeau que portait une femme. Très absorbé par la couleur du chapeau, il ne pensa plus à rien d’autre. Il ne sentit même pas la lassitude du chemin à parcourir. Il arriva assez rapidement à la gare, sans même s’en rendre compte. Il s’approcha du guichet froid et se prépara à demander un billet de seconde classe pour BONN.
C’est alors qu’il fut sidéré par quelque chose d’insolite. Tout d’abord, il pensa qu’il était victime d’un malaise qui lui troublait la vue, ou que son imagination lui jouait un mauvais tour. Et puis, il fallut bien se rendre à l’évidence : l’employé derrière le guichet n’avait pas de visage. A vrai dire, il avait bien des traits, mais si superflus qu’il était inutile de le faire remarquer. PLEEN, gêné, s’éloigna du guichet sans rien demander et décida de faire le voyage à pied ou bien encore d’attendre un peu sur un banc, histoire de voir si on n’allait pas venir relever l’employé. Séduit par cette dernière idée, il se laissa tomber sur un siège le plus à l’écart possible et attendit. Là, il pouvait presque tout observer sans que personne ne puisse l’apercevoir.
Il était là depuis une heure à peine quand trois hommes en chapeaux s’approchèrent et l’encadrèrent. Sournoisement réduit au silence, il se laissa emmener, assommer, et jeter au canal. Là, il resta un moment dans la boue et les ronces, au fond de l’eau sale. Il se demandait, découragé, si la vie valait la peine d’être vécue ou s’il était préférable de rester là encore un peu. Puis son corps décidant, il remonta à la surface, résolument écoeuré du monde. Il ne se demanda même pas un seul instant pourquoi les trois hommes avaient agi ainsi.
De toute façon, on avait toujours quelque chose de malsain à se reprocher, il le savait parfaitement bien. Que faire maintenant ? Retourner à la maison et retrouver l’odeur fétide ou bien continuer le voyage ? Pour une fois, il ne s’assit pas pour prendre sa décision. Il n’avait guère le choix. Il devait forcément continuer. Il ramassa ses bagages et continua sa route.
A ce moment même, une voiture opaline arriva sur lui à pleine vitesse et l’écrasa.
PLEEN le malchanceux avait pour une fois terminé quelque chose d’ébauché.
Marion Lubreac
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