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jeudi 3 février 2011

ARABESQUE


Ce n’était pas par peur que Lison LAFERTE  avait remis à SAM les clés de son château. Elle manquait plutôt de confiance en elle et le soir, lorsqu’elle se trouvait seule, l’inquiétude l’assaillait.
La présence de SAM la rassurait. Il venait n’importe quand pour  meubler ses moments de solitude. Bientôt, elle le savait, il ne partirait plus.
SAM était un nabot aux cheveux noirs et drus. Il était le fils de la vieille cuisinière, morte l’an dernier d’une fluxion de poitrine. Il était peut-être ignare, mais il était présent. Avec lui le château semblait moins grand, on s’y sentait moins étranger, moins perdu face à soi-même.
Un soir, pour la distraire, SAM se mit à danser. Il se maquilla l’œil, se masqua et enfin commença à tourner à la lumière du feu qui crépitait dans l’âtre. Lison battait des mains à la folle idée de son compagnon.
Tout à coup par la cheminée surgit un corbeau noir qui se planta au beau milieu de la table, après avoir un moment tournoyé dans les airs au dessus de leurs deux têtes effarées. Le corbeau les considérait d’un œil mauvais. Il était énorme, et ni Lison ni SAM n’osaient le chasser de là. L’un après l’autre, le corbeau les fixait. Dans un long croassement, il s’envola et disparut.
Ils restèrent un moment face à face, interdits, ne sachant plus que dire. Puis ils se séparèrent, l’âme triste.
Chaque soir désormais le corbeau les visite. Lison et SAM s’abîment dans la nostalgie et le chagrin. Imperceptiblement,  ils s’éloignent l’un de l’autre. Comment finiront-ils ? Quelle sera leur vie ? La solitude s’incruste et dévore les murs lézardés. Le château se dégrade. Il est laissé à l’abandon. Les herbes folles l’envahissent. Les liserons sauvages l’étouffent. Etranglée de lierre, la demeure et ses habitants ne respirent plus qu’à peine. Ecarté du village, soumise à l’abandon, la maison douloureuse se laisse ronger par  la lèpre insidieuse.

Marion Lubreac

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